Archives de catégorie : Fragments

Il faut dire que ma technique de drague n’est pas très au point. Je suis capable d’inviter une femme à dîner chez moi après l’avoir vu seulement deux fois et surtout sans lui avoir montré de quelque manière mon intérêt préalable. Mais le plus souvent, je reste à moitié extatique sans oser rien faire, à parler de tout et surtout de rien, quand je ne reste pas muet devant elle. Lui prendre la main me semble un effort surhumain. En fait, je crois que j’attends un contrat signé en double exemplaire pour m’y sentir autorisé. Lorsque par extraordinaire, j’annonce mes sentiments, je suis incapable de le faire par le langage du corps. Je me fait l’effet d’un enfant à la regarder en parlant : « Dis, dis, tu veux sortir avec moi ? Allez, s’il te plait… » A la façon d’un caniche qui jappe aux pieds de sa maitresse pour attirer l’attention. Il arrive que certaines me tiennent plus à cœur que la moyenne, alors j’insiste et persiste. Mon imagination me joue des tours et je me vois déjà père de famille. Et toujours je retourne pleurer dans mon lit. Une phrase me vient et reste dans mon esprit « Je ne suis pas suicidaire. » Comme un mantra pour me rassurer. Allons, si j’avais seulement un tant soit peu de courage, je ne serais plus de ce monde depuis longtemps. Ma lâcheté me force à vivre et me tue à petit feu.

A propos de vagin :

« Je veux bien que tu bandes gros, mais t’auras jamais la bite comme une tête de bébé. »

Petite pause dans un pub londonien. Le pub est encore désert, à vrai dire il n’y traine que des touristes comme moi. Ils passent un quelconque crooner, qui reprend en anglais « La quête » de Brel. Dieu que c’est sirupeux ! Où est passé l’aspect sec du Grand Jacques, son désespoir premier. A grand renfort d’arrangement, à coup d’orchestration symphonique, on est passé à l’ambiance « What A Wonderful World » ! Dans le pub, quelques têtes empaillés de renards grondant ont été affublées de barbes blanches et de bonnets rouges. C’est Noël !

On retarde l’heure de se coucher. Ce n’est pas qu’on n’a pas sommeil, c’est qu’on a peur de s’endormir.

Versailles. Dans les petites écuries du Roy, seuls les fenêtres de la pièce où je travaille sont éclairées. Le vacarme, habituel en ces lieux, s’est tu. Nous semblons être seul au monde. Au moins sommes nous seuls dans le bâtiment, à l’exception d’un vieux gardien, fidèle au poste, qui doit veiller dans une aile éloignée. Nous travaillons dorénavant en silence. Le temps des plaisanteries et des rires, quand nous venions de nous mettre à l’œuvre, est passé depuis belle lurette. Devant nos planches depuis des heures matinales, la fatigue commence à se faire sentir. Notre quiétude n’est troublée que par le bruit de nos outils, ou du papier gratté par l’un d’entre nous qui corrige son erreur.

Je n’aime pas attendre seul dans un bar un soir de fête. J’ai toujours l’impression d’être l’éternel célibataire qui attends sa fiancée. Ce que je suis par ailleurs, mais pas ce soir.

Jean-Philippe s’essayait à remplir son oreiller gonflable. Debout au pied de son lit, le visage cramoisi tant par l’effort que par le vin, il soufflait de son mieux malgré son hoquet. Il avait la posture vacillante de ces gens d’alcool, et à chaque sursaut, sa cambrure augmentait, sa tête penchait un peu plus en arrière. Régulièrement, il lui fallait rétablir son équilibre, revenir à une position neutre, avant de reprendre son entreprise.

J’ai dans la tête des bribes de romans, des fragments de tragédies.

Je lis Allais, j’écris comme Allais, je lis Giono, j’écris comme Giono, je lis Hugo, j’écris comme Hugo. Je veux être Chateaubriand ou rien. La vérité est parfois cruelle au jeune homme.

De la lumière éblouissante. Il n’y a rien que cette lumière, qui emplit tout, qui annule tout. Ce n’est même pas du blanc, le blanc présente des différences, des contrastes. Le blanc est matériel. J’ai l’impression que cette lumière rentre, rentre dans les globes oculaires.

C’est plus facile d’engueuler un préfet qui veut vous expulser que d’embrasser une fille qu’on veut mettre dans son lit.