Cet arrêt là n’était pas prévu. Après deux heures de bus, nous nous sommes retrouvés une cinquantaine de personne en partance pour Bucarest, Sofia, Belgrade, à minuit dans la petite gare de Çerkezköy, à attendre que la locomotive veuille bien se mettre dans le bon sens. Le train se compose de trois wagons, un bulgare, un turc et un roumain. Par chance je suis dans le turc, de loin le plus récent et le plus propre. J’ai un compagnon de voyage, dans notre compartiment de deux. Il doit être Bulgare, en tout cas il descend à Plodviv. Il ne parle pas anglais, mon allemand est par trop insuffisant, et nous nous regardons un peu en chien de faïence, tout en découvrant et manipulant les aménagements de notre compartiment. Nous nous allongeons finalement, moi prenant la couchette du haut, tout en laissant la lumière allumée en attendant la frontière, qui ne doit pas être loin. J’avais une vague espérance qu’en train, le passage de la frontière serait plus rapide qu’en bus. Vaine espérance. Au premier arrêt, nous sommes sommés de descendre du train, et nous patientons une demi-heure pour qu’un douanier tamponne nos passeports. Nous effectuons un second arrêt, toujours turc, où le douanier monte dans le train pour vérifier nos tampons. Nous sommes en règles. Avoir un passeport de l’union européenne facilite quand même grandement le contrôle. Au troisième arrêt, enfin, nous sommes contrôlés par les douaniers bulgares. Ceux-là semblent mieux équipés, avec un ordinateur portable et sa clé Wifi pour effectuer les contrôles et enregistrements nécessaires directement depuis le train. En partant, le douanier demande s’il doit éteindre la lumière. Je suis partant, il n’est jamais que trois heures du matin, mais mon compagnon refuse. Que le diable l’emporte ! S’il peut bénéficier de l’ombre de ma couchette, moi qui suis dessus, je dors, ou plutôt j’essaye, à moins de soixante centimètres des néons. Heureusement il descend à Plodviv, qui ne doit plus être très éloignée… Cette ville ne finira donc jamais par arriver ?
Elle a du arriver, puisque je me réveille à dix heures du matin, seul, l’autre ayant même pris soin de relever sa couchette pour reformer des sièges. J’apprends que, à Sofia, nous aurons sept heures de retard. Il y a aussi quelque chose à propos de nos bagages, mais je ne comprends pas bien. C’est à Sofia que les choses s’éclaircissent : nous avons manqué le train de Belgrade, nous devons patienter huit heures avant le suivant, qui circule de nuit. Unis dans l’adversité, des petits groupes de passagers se forment. Nous errons donc quelque peu pour trouver un endroit où poser nos bagages. Les consignes ne marchant pas, nous profitons donc de la zone normalement réservée à l’envoi de colis. La préposée y a un système de classement aussi strict et sophistiqué qu’abscons pour le profane.
Je ne peux prétendre avoir complètement visité Sofia en quelques heures, mais la ville fait malgré tout plus provinciale que capitale. Le centre se parcours à pied rapidement. Chose intéressante, on trouve la cathédrale, la mosquée et la synagogue, trois bâtiments indépendants, rassemblées autour d’un marché couvert. La Bulgarie n’a rien à envier à la Serbie d’un point de vue développement. Les mêmes usines en ruines, les mêmes wagons de fret en train de rouiller. Dans un virage où nous passions au ralenti, un homme se tenait, portant la tenue des chemins de fer locaux. Il était armé d’une faux, pour couper les herbes hautes.
L’avantage du système de changement par wagon, c’est que nous retrouvons le notre, avec son chef, qui nous attend. Devant être raccroché au train de midi, il le fut au train du soir, et nous n’avons qu’à regagner nos couchettes. Je devais initialement arriver le soir à Belgrade, passer une nuit à l’hôtel et prendre le train de huit heures quinze pour Sarajevo. Le chef de bord m’assure que nous arriverons vers six heures du matin et qu’il n’y aura pas de problème.