Cet article a été publié précédemment sur un libéblog tenu par Jeudi Noir.
Depuis le 1er décembre 2008, la loi sur le droit au logement opposable est en application: comme il ne suffit pas d’une loi pour créer des logements, l’État est de plus en plus souvent condamné, au point que le Conseil d’État s’en émeuve. L’État doit ainsi près de 10 millions d’euros, d’après le député UMP Étienne Pinte. Mais comme en fait cette somme passe juste d’une poche à l’autre de l’État, il n’est pas certain que cela accélère les constructions de logements. Il y a un mois, le Comité de suivi de la loi DALO reprenait à son compte les demandes des associations d’appliquer le droit de réquisition. Il est vrai que ce comité est peuplé de dangereux gauchistes, des parlementaires comme, tiens, le député UMP Étienne Pinte.
Et puis, c’est historique, le Conseil de Paris a apporté son soutien à l’occupation de Jeudi Noir, place des Vosges. Occupation totalement légitime ont-ils dit. Pour comprendre l’évolution, il faut savoir que la mairie de Paris, avec la complicité active de l’État, n’hésitait pas à envoyer la police expulser de manière totalement illégale une occupation identique rue de Candie. Mais c’est vrai que là, il n’y avait pas les caméras de TF1 pour protéger les occupants… On aurait aimé que ce soutien « historique » se prolonge un peu, mais la mairie vient à nouveau d’expulser des habitants d’un immeuble dans le 19ème arrondissement. Les occupations sont donc totalement légitimes sauf, bien sûr, quand c’est la mairie qui est propriétaire…
Évidemment, la réquisition, qu’elle soit l’œuvre de collectifs comme Jeudi Noir ou celle des préfectures en application de la loi, ne résoudra pas tous les problèmes de logements. Mais, dans l’urgence de la situation, permettre à quelques centaines de personnes de se loger, c’est déjà une victoire. Il y a comme toujours une querelle de chiffres sur le nombre de logements vacants, notamment à Paris. Cependant, même M. Mano, maire adjoint au logement de la mairie de Paris, qu’on ne peut pas suspecter de sympathie pour les squatteurs, donne le chiffre de 16.000 logements vacants1. Toutefois, tant que le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme, M. Apparu, aura peur de transformer la France en URSS, comme il le déclare sur le sujet, on peut douter que des réquisitions aient lieu.
Dans cette situation, les squats sont amenés à se multiplier, malgré les risques juridiques, bien réels. Des huit étudiants d’ores et déjà condamnés à 80.000 euros d’amendes aux 12 sympathisants et voisins de la place des Vosges, dont certains ignorent encore qu’on leur demande plus de 100.000 euros par mois, les sommes sont sans rapport avec les moyens d’une personne « normale ».
Pourtant, même sur le plan judiciaire, les choses bougent. Ainsi, à Lyon, la justice a débouté le Conseil général qui demandait l’expulsion d’un bidonville. Pour la première fois sans doute, un juge a considéré que lorsqu’un propriétaire n’utilisait pas son bien, l’état de nécessité permettait de s’y installer2. Bien entendu, les conditions de vie en bidonville ou à la rue sont bien plus dures que dans un squat, nous en sommes conscients. Mais justement. Lorsque la société entière manque de logements, on ne peut pas tolérer de laisser à l’abandon des milliers de logements. C’est pour ça que l’on espère que, le 30 décembre, la justice fera de la place des Vosges un bidonville.
[1] L’INSEE en donne 120 000…
[2] C’est, en résumé, le constat que l’usufruit abandonné puisse être transférer aux habitants, tandis que la nue-propriété reste au propriétaire.