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09 juillet, 9h, Glavni kolodvor Zagreb

Bel effort du train Sarajevo-Zagreb, une seule heure de retard, c’est du jamais vu dans les Balkans. Malheureusement ça n’a pas suffit et j’ai donc manqué ma correspondance. Je me précipite en descendant du train vers le guichet des voyages internationaux pour demander le moyen le plus rapide de rejoindre Berlin. Comme je montre mon pass interrail, je m’entends répondre que je n’ai pas besoin d’acheter de billet et qu’il faut donc que j’aille au guichet information. Le ton pas très aimable disant clairement que je n’avais rien à faire là. Heureusement il y a, placardé partout dans la gare, des affiches qui reprennent la liste des trains de la journée, en fonction des heures de départ. Il n’y a pas de train direct pour Berlin, ce que je savais déjà, et je me concentre sur ceux à destination de Vienne et de Villach, Villach me permettant de rejoindre Munich, puis Berlin. Villach semble être la meilleure solution, et des trains y partent toutes les deux heures. Je vérifie au guichet information que je ne resterai pas bloqué à Munich : tant qu’à passer des heures dans une ville, je préfère visiter Zagreb. Tout va bien, il y a des trains Munich Berlin toutes les heures, et je pars donc l’esprit tranquille. En plus, le train s’arrête d’abord à Ljubljana, destination (provisoire) de ma Malaisienne, et nous avons le temps de partager un café avant le départ. J’essaye aussi désespérément de changer les quelques centaines de dinars serbes qu’il me reste, mais visiblement la monnaie ne vaut rien en dehors du pays. Je pourrais changer sans problèmes des Yens, mais pas les dinars.

La ville de Zagreb ressemble à n’importe quelle ville allemande ou autrichienne. Si le centre de Sarajevo était occidental, les abords l’étaient beaucoup moins. Au buffet de la gare, des écrans plats montrent les beautés du pays. Je remarque surtout une vidéo où l’on voit des gens en costumes pseudo-traditionnels s’agitant autour d’une machine agricole du dix-neuvième siècle. C’est assez troublant de voir ce folklore pour touriste quand les paysans utilisent encore la faux, au moins dans une partie du pays.

Je ne comprends décidément pas comment fonctionne le système de visa. Au moins, je n’ai pas eu de problème à la sortie du territoire bosniaque, le douanier me rendant mon passeport sans un mot. Pareil pour entrer en Croatie, je n’ai droit à aucun tampon, contrairement à mon premier passage. Malgré l’absence d’une preuve d’entrée en territoire croate, j’obtiens une nouvelle trace sur mon passeport à la sortie. Avec la Slovénie, j’entre dans l’Union Européenne, et les ennuis sont terminés. La Malaisienne, elle, se fait tamponner de partout, bien entendu. Elle descend comme prévu à Ljubljana et je continue mon voyage seul. Finalement, nos conversations faisaient passer le temps assez agréablement, en tout cas plus rapidement. La traversée des alpes slovènes et autrichiennes est assez somptueuse. On voit depuis la plaine autour de Ljubljana les montagnes approcher et révéler leurs névés. En Autriche, la voie est à flanc de coteaux, et nous dominons littéralement de plusieurs centaines de mètres un fond de vallée tout plat. Les trains Autrichiens – et même Croates – présentent un confort supérieur, bien sur au reste des Balkans, mais aussi à ceux de la SNCF. On y trouve sur chaque siège un petit dépliant reprenant la liste des arrêts avec les horaires des correspondances. Ils sont extrêmement silencieux, et on y est beaucoup moins secoués surtout en comparaison avec les trains du Sud. Ce silence en devient même désagréable, on a l’impression d’avoir du coton dans les oreilles. Évidemment, leurs fenêtres ne s’ouvrent pas et ils sont climatisés. Je me disais d’ailleurs que, climatisation plus prospectus, tout ça n’était pas très vert.

Une autre chose sur laquelle ÖBB, les chemins de fer autrichiens, écrase la SNCF, c’est leur site Internet. Je l’ai utilisé pendant tout mon voyage pour connaître l’horaire des trains. Ceux de départ du moins. Rien que l’idée de chercher les horaires d’un Belgrade Sarajevo sur le site de la SNCF est assez hilarante.

08 juillet, 18h30, Zeleznicka Stanica Sarajevo

Me voilà en partance pour ma dernière destination, Berlin. Je suis un peu inquiet, pas de manquer mon train, il ne part que dans trois heures, mais de bien avoir mes correspondances. Je dois en effet changer de train à Zagreb vers six heures du matin, et la ponctualité des trains slaves semble encore pire qu’à la SNCF. En attendant, je profite de quelques heures tranquilles en dégustant une « Sarajevsko pivo » J’avoue que, ayant déjà récupéré mon sac à l’hôtel, je n’ai pas vraiment le courage de crapahuter avec. Et puis Sarajevo n’est pas si grande. Je faisais le calcul que j’en avais plus vu en une journée qu’à Istanbul en cinq jours. A raison d’une journée passée pour trois cent milles habitants, la taille de Sarajevo, il aurait fallu que je passe près de deux mois à Istanbul. J’ai quand même parcouru la ville au maximum de mes possibilités, la vieille ville et son souk, d’abord, avec ses dinandiers qui vous font des stylos et des porte-parapluies à partir de vieilles douilles (de calibres différents, bien entendu), les installations olympiques et le cimetière attenant, les bords de la rivière Miljacka, la vue depuis les collines environnantes. Il y a dans la ville quelques formes architecturales post-modernes pas inintéressantes. (Traduire : il y a des HLM pourris qui font kiffer les archis.) La ville paraît résolument contemporaine, j’ai déjeuné dans un centre commercial tout neuf. Les joies de manger en Bosnie un Chili con carne dans un restaurant italien, le tout sous le regard de Tommy Hilfiger. Où comment Christophe découvre d’autres cultures. Sarajevo est en tout cas une ville « actuelle », et si quelques bâtiments portent encore les éraflures des éclats d’obus, la principale évocation du passé, pour un visiteur qui ne rentre pas dans l’esprit des habitants, ce sont les nombreux véhicules (civils) de l’Eufor ou des Nations Unies qui circulent. Sofia, en comparaison, est une véritable ville d’arrière-garde, à moins que je ne sois passé totalement à coté du centre-ville.

Mon nez s’étant mis à accompagner ma toux, je pars à la recherche de mouchoirs, que je trouve dans un des multiples kiosques à journaux de la ville. Ils vendent d’ailleurs à peu près tout, tabac, alcool… Ici, ils vendent les mouchoirs par pochettes de dix au lieu de neuf. C’est à ce genre de petites choses qu’on voit qu’ils n’ont pas été encore totalement imprégnés des bontés du capitalisme.

Je ne sais pas si j’aurai ma correspondance à Zagreb, mais je sais déjà que je ne dormirai pas beaucoup cette nuit : il n’y a pas de couchettes dans le train et nous avons rien moins que vingt-et-un arrêts avant notre arrivée à six heures trente. J’ai retrouvé Pulma, la Malaisienne de l’hôtel, sur le qui de la gare. Elle est en route pour Ljubljana, nous partageons donc le même compartiment. On a le temps de discuter, et comme elle me dit qu’elle termine ses études de droit, j’entreprends de lui expliquer le fond de la politique de Jeudi Noir et son rapport à la légalité. Même si je butte sur quelques mots, je suis assez surpris de pouvoir expliquer certains concepts en anglais. Je suis pris aussi d’une légère culpabilité, en me disant que, vu d’ailleurs, les problèmes français doivent paraitre bien faible. Je ne suis pas trop au courant de la situation en Malaisie, mais je me dis que la démocratie française ne se porte pas si mal. Ce n’est pas une raison pour la laisser démolir.