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Squatter n’est pas illégal

squatters-handbookLe sénateur Dallier demande au gouvernement ce que celui-ci compte faire pour censurer les sites Internet qui diffusent des « guides du squatteurs ». Ces guides, en effet, donneraient des conseils pour l’organisation de la vie quotidienne dans le squat, et même des procédures à suivre pour « préparer sa défense ».

Faisant peu de cas de la liberté d’expression, brandissant le code pénal et la défense du droit de propriété « individuel » –la propriété des grandes sociétés ne mérite pas les mêmes droits ? – il oublie quelques points juridiques pourtant importants.

Squatter n’est pas illégal

On ne trouvera nulle part dans la loi un texte qui interdise d’occuper un bâtiment vide. Bien au contraire, la loi prévoit que l’occupant puisse devenir propriétaire, si nul n’a contesté l’occupation pendant trente ans1. Situation théorique sans doute, mais qui montre bien qu’il n’est pas (encore) interdit de se chercher un toit.

Ce qui constitue un délit, c’est la violation de domicile2. Depuis le XIXème siècle, la Cour de Cassation a eu le temps de définir précisément la notion de domicile, qui en France recouvre un champ assez large. Est un domicile votre logement bien sûr, que vous y soyez ou non, mais également votre maison de vacances, l’appartement de la grand-mère à l’hôpital depuis six mois, les bureaux/ateliers de votre entreprise… et le squat dans lequel vous logez.

Dans le cas d’une violation de domicile, en plus des risques encourus (un an de prison tout de même), la police procède à l’expulsion des occupants quelle que soit la durée de leur occupation. Elle en a même l’obligation3, à la différence des expulsions locatives que la préfecture peut différer. C’est pour cela que les guides de squats sont clairs : « Ne jamais faire de violation de domicile ! » On est bien loin de l’incitation au délit…

L’autre délit qui est utilisé fréquemment pour lutter contre le squat, c’est la dégradation4. Là encore, plutôt que d’y inciter, ces guides indiquent comment l’éviter, puisque ce délit est largement utilisé par la police pour obtenir l’expulsion, parfois en toute illégalité.

Alors certes, le squat est une atteinte au droit du propriétaire, et les squatteurs sont presque toujours condamnés. Tout comme un homme a été condamné à payer 10 000 euros à sa femme qu’il n’avait pas honorée. Faut-il pour autant interdire tous les livres qui prônent l’abstinence ?

Mais évidemment, il est plus facile de censurer quelques sites Internet que de faire appliquer la loi, lorsqu’elle dit que toute personne a droit au logement et au respect de son domicile. Y compris les squatteurs.

[1] Articles 2258 à 2275 du code civil
[2] Article 226-4 du code pénal
[3] Article 38 de la loi 2007-290 du 5 mars 2007
[4] Article 322-1 du code pénal

V.I.O.L.

Les victimes de viol ne doivent pas se sentir bien, ces derniers temps. Est-il besoin de dire pourquoi ? Ce n’est pas tant l’évocation d’une nouvelle affaire de viol ; si certains peuvent en souffrir, il appartient à chacun et d’abord aux victimes de se blinder un peu. Malheureusement, de tels faits se produiront toujours, et un empathie trop importante n’est finalement que le reflet de ses propres traumatismes. Il faut passer outre.

Le plus dur, ce ne sont même pas les faits qui sont reprochés à Dominique Strauss-Kahn, mais les propos de quelques-uns qui prennent « sa défense ». Bien entendu, DSK a droit à la présomption d’innocence. Bien entendu, on peut évoquer la thèse du complot : si elle paraît de moins en moins crédible au fil des jours, qui peut prétendre ne pas l’avoir envisagée ? Même les arguties de ceux qui, visiblement, ont du mal avec la notion d’égalité, n’ont pas grande importance.

Ce qui choque, ce qui me choque, ce sont toutes ces phrases qui minimisent la gravité des accusations. Ces commentateurs qui rappellent qu’il n’est pas accusé de viol, mais de tentative de viol. Mascarade intellectuelle. Parce qu’en droit français, les faits reprochés correspondent bien au viol. Parce que, surtout, la tentative de viol est punie de la même manière que le viol. Se rendent-ils comptent d’ailleurs qu’ils enfoncent DSK en disant cela ? Comme s’ils le savaient d’ors et déjà impossible à innocenter ?

Le summum a été atteint avec Jean-François Kahn. Son « troussage de femme de chambre », il l’a retiré et je veux bien croire à un mot malheureux d’une personne dont le métier est de « faire le buzz ». Mais sa « tentative violente de viol » ? Ce n’est pas que je veuille l’accabler, c’est surtout que cette phrase est l’expression presque inconsciente de l’imaginaire collectif : le viol, c’est quand un inconnu vous agresse dans la rue, et ce n’est que ça. Des monstres pathologiques qu’il faut enfermer, même après qu’ils aient purgés leurs peines. Cette idée est tellement répandue, et confortée par la politique actuelle, avec la médiatisation systématique de ces faits divers. Mais tellement éloignée de la réalité.

Ma formation universitaire fait que je me méfie lorsque je vois des chiffres sans sources. 75 000 viols annuels, dix pour cent des victimes qui portent plainte. On peut chipoter sur le détail, mais les ordres de grandeurs sont sans doute justes. Croyez-vous que tous ces actes sont le fait de serial violeur ? Le coupable, c’est le père, l’oncle, l’ami, le collègue. Dans l’immense majorité des cas. Et c’est bien ce qui rend difficile de porter plainte. S’il est déjà honteux d’avoir été violé quand c’est par un inconnu, imagine-t-on un instant la difficulté d’accuser celui que l’on connaît depuis des années ?

Lorsque j’ai commencé, pour des raisons personnelles, à aborder le sujet avec des amies, j’ai été effaré des réponses. Sur la dizaine de personnes questionnées, quatre ont reconnues avoir été violées. Je n’en avais jamais rien su, même après plusieurs années. Pourtant, le traumatisme est bien là. Aucune n’a porté plainte, probablement parce qu’elles connaissaient toutes leurs violeurs depuis longtemps. Et, pour les deux qui ont été violées par un membre de leur famille, parce qu’elles continuent à le fréquenter. C’est difficile, à vingt ans, de rejeter son père ou son frère.

Dans tous ces cas où l’on connaît le violeur, la première difficulté, c’est d’admettre avoir été victime. Cette simple étape peut prendre des années, et des années de souffrance qui perturberont toutes relations amoureuses. Je me souviens en particulier d’une amie qui me racontait que, oui, il l’avait pénétrée alors qu’elle ne voulait pas, que ça avait été douloureux, mais que c’était son copain, qu’il ne l’avait pas violée. Que répondre ?

Ce qui est douloureux aujourd’hui, ce n’est pas le traitement de l’affaire DSK en lui même, ce ne sont pas les déclarations scandaleuses, mais bien ce qu’elles montrent de notre société. Si l’on a pas été violé dans la rue par un détraqué, on n’a pas vraiment été violé.

Les promesses de madame Pécresse

Cet article a été publié précédemment sur un libéblog tenu par Jeudi Noir.

Valérie PécresseLe 21 janvier dernier, nous avions profité d’un meeting de l’UMP à deux pas de la place des Vosges pour interpeller Valérie Pécresse sur les problèmes de logement en Ile-de-France, en particulier pour les jeunes. Comme les gardes du corps de François Fillon s’étaient invités (gentiment) dans la discussion, Valérie Pécresse nous a conviés quelques semaines plus tard sur sa péniche de campagne. A vrai dire, il n’y a pas eu d’annonces fracassantes. Enfin, presque, mais vous allez voir…

Nous étions donc reçus par la candidate et pas par la ministre, c’est-à-dire par celle qui fait les promesses et pas par celle qui est censée les tenir. Premier point, qui peut être réellement intéressant, elle ne veut pas faire de distinction entre étudiants, apprentis, jeunes travailleurs…  Si elle devient présidente de la Région, elle veut construire des logements pour tous! Comme il y a un véritable manque de logements, il faut faire feu de tout bois (je vous passe le couplet « Huchon, l’a rien foutu »).

Une chance, elle est tombée sur un architecte –un vrai– Wilmotte, il s’appelle. Il propose de faire des petits cubes en bois, 13m2 pour les célibataires, 24m2 pour les couples. On pose le tout sur une barge placée en bord de Seine, comme ça pas de problème de foncier à résoudre. Il y a le même projet à Lyon. Cependant, comme dans Paris intra-muros, c’est un peu difficile de placer des barges sur tous les quais, Valérie propose un autre projet, de Jean Nouvel celui-là: un pont habité sur la Seine, du côté de Tolbiac. Au premier niveau, des commerces et restaurants qui financent la construction, au deuxième niveau un « Learning Center », et au troisième, 1000 chambres étudiantes. J’ai quelques doutes sur les 1000 chambres. Même en les montant sur 2 niveaux, ça nécessiterait de couvrir la Seine sur plusieurs centaines de mètres de long, sans parler des problèmes d’éclairage.

Bref, de grands projets, très beaux, censés coûter moins chers que des constructions classiques, mais qui sont plus de l’ordre du gadget que d’une véritable politique de logement. Quand on fait remarquer que c’est très bien de vouloir construire –c’est nécessaire– mais qu’on pourrait peut-être commencer par ne pas démolir, en donnant l’exemple de la Cité Universitaire Jean Zay à Anthony, Valérie Pécresse s’exclame « mais vous savez très bien que c’est un problème politique« , rappelle que le département des Hauts-de-Seine s’est engagé à remplacer les chambres démolies (où? quand?) et change de sujet.

C’est vrai, quelle naïveté de notre part aussi de vouloir parler de problème politique avec une tête de liste aux régionales, accessoirement ministre responsable des CROUS… Intéressons-nous plutôt aux vrais sujets! D’ailleurs, avons-nous un casier judiciaire vierge? Après tout, Jean Perrin, l’inénarrable président de l’UNPI (l’Union Nationale de la Propriété Immobilière) nous a bien comparés à des pirates qui prennent les enfants en otage dans les maternelles… Aussi, quand on émet un doute sur les engagements de la ministre, par exemple à propos des travaux du 24, rue de la Harpe qui n’ont toujours pas commencé plusieurs mois après la date prévue, elle est toute surprise et s’engage à vérifier ce qu’on lui dit, ce qui est très gentil de sa part. Enfin, on aborde presque au hasard le sujet de la Marquise, et là, on s’entend répondre que les habitants étudiants pourraient peut-être obtenir une chambre en CROUS jusqu’en août prochain… Quel dommage qu’ils ne l’aient pas obtenue en septembre dernier !