Archives mensuelles : décembre 2012

Quand le parti communiste expulse

120, rue la Fayette en 1936L’édition du jour du Parisien nous apprend que le Parti communiste a demandé (et obtenu !) l’expulsion de squatteurs d’un immeuble au 149, rue du château dans le 14ème arrondissement.

Au-delà du changement de posture entre le parti qui prône la mise en commun des richesses dans le préambule de ses statuts et le parti propriétaire qui a visiblement beaucoup de mal à mettre en application ses principes, cette expulsion, sans décisions de justice et en plein hiver, pose de nombreuses questions juridiques.

En effet, les forces de l’ordre seraient intervenues en « flagrance », suite à une plainte du Parti Communiste, et les squatteurs doivent être poursuivis prochainement pour « dégradations de biens prives en réunion. »

On espère pour lui que le Parti dispose de quelques preuves de ce qu’il avance, car les témoignages disponibles font plutôt état de personnes installées dans les lieux depuis plusieurs jours, donc bien au-delà du délai de flagrance. Les photos des affaires embarquées dans un camion montrent d’ailleurs bien la réalité du domicile des occupants. On attendra également quelques preuves de dégradations lourdes susceptibles d’être considérées comme un délit. J’avoue que j’ai des doutes.

Les explications du secrétaire de la fédération de Paris ressemblent à toutes celles des propriétaires pris la main dans la vacance : qu’on se le dise, pour le propriétaire, un squat est toujours dangereux, quand bien même il viendrait d’être inaugurer ! Au vu du nombre de sociétés immobilières détenues par le parti communiste, (ma préférée étant la SCI Leninvest…) ils doivent savoir également que le péril fait l’objet de dispositions légales permettant une évacuation immédiate quelque soit la période de l’année. Les architectes de sécurité de la préfecture de Police de Paris, seuls habilités à déterminer le péril, ont des astreintes régulières pour être en capacité de faire des constats à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit en cas d’urgence. La procédure est purement administrative, le statut et la durée de l’occupation importent peu. Encore faut-il qu’il y ait péril !

Si les communistes ont choisi la voie pénale, c’est bien parce qu’ils savaient ne pas pouvoir obtenir une expulsion pour péril.

Dénoncer un squat politique mené par des militants anarchistes est bien beau, mais même dans le cas où ce serait vrai (et on peut avoir quelques doutes en l’espèce, vu l’absence de revendication et la tentative de négociation préalable) ça n’autorise pas pour autant à expulser. Il convient de rappeler que la politique n’est pas exorbitante du droit commun.

Pourtant, Hélène BIDARD, Présidente-Directrice-Générale de la Société Immobillière propriétaire de l’immeuble, donc celle qui porte la plainte a de fort beaux mots au Conseil de Paris pour parler de la crise du logement, qu’elle connaît bien en tant que présidente d’un bailleur social (SEMIDEP) :

Par un vœu, notre groupe demande que la Ville mette à disposition tous les bâtiments vacants en sa possession, susceptibles d’être mis à disposition de l’hébergement d’urgence. Si nous parlons d’urgence, c’est que la situation ne peut pas attendre. Lorsque la vie de femmes et d’hommes est en jeu, il est de notre devoir d’agir avec conséquence, et de le faire vite.

Les enjeux du logement sont cruciaux, ils répondent à un besoin absolument prioritaire pour les Parisiennes et les Parisiens. A nous d’investir pour se montrer à la hauteur de leurs attentes, et faire de Paris une ville pour tous.

Visiblement, le Parti Communiste a plusieurs manière de comprendre le verbe « investir ».

La trêve hivernale doit s’appliquer à Notre-Dame des Landes

La trêve hivernale est une vieille chose du droit au logement. Elle trouve son origine dans l’article 3 de la loi du 3 décembre 1956, signé entre autres par le président René Coty, et le garde des sceaux, un certain François Mitterrand. A l’époque, elle s’applique à tous, quelque soit le statut légal de l’occupation. En fait, l’article premier de cette loi, qui permet aux juges d’accorder des délais renouvelables excédant une année précise même cette possibilité est ouverte sans les occupants aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation. La seule exception prévue par la loi, c’est lorsque les locaux occupés sont concernés par un arrêté de péril : si l’immeuble est dangereux, les forces de l’ordre peuvent procéder à l’expulsion.

Pendant trente-quatre ans, la formulation de la loi ne bouge pas. Elle se trouve simplement intégrée dans le nouveau Code de la construction et de l’habitation en 1978. Au début des années 90, deux lois viennent coup sur coup modifier la trêve hivernale : en mai 1990, la trêve est étendue au 1er novembre en place du 1er décembre initial, puis en juillet 1991, apparaît la petite phrase intéressante : « Les dispositions du présent article ne sont toutefois pas applicables lorsque les personnes dont l’expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait. » Une toute dernière codification en juin a fait passer cette disposition dans le code des procédures civiles d’exécution.

La question de l’entrée dans les lieux par voie de fait se retrouve très régulièrement devant les tribunaux dans le cas des squatteurs, car en plus de la trêve hivernale, elle conditionne souvent, selon l’appréciation des juges, l’octroi des deux mois de délais prévus à l’article L412-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécutions.

La jurisprudence exprime clairement que la voie de fait ne se présume pas, et que la seule occupation sans droit ni titre n’en constitue pas une. (CA Paris 08/02967, TI Paris 8 12-07-000112, TGI Paris 07/50407, TI Villeurbanne 12-05-000063…) La voie de fait est par contre établie dès lors qu’il y a dégradation, ou même simplement effraction ou escalade. En fait, il est de la responsabilité d’un propriétaire de clore son terrain ou son bien, et l’on ne peut priver des protections légales un occupant lorsque celui-ci s’est contenté de pousser la porte.

Ça, c’est le cadre général, qui concerne tous les squats. Mais Notre-Dame des Landes n’est pas une occupation comme les autres :

Les immeubles dont il est question ont été bâtis lors de la manifestation du 17 novembre. Ils sont occupés depuis lors, et constituent par conséquent un domicile au sens pénal. Or, les indemnités d’expropriation n’ont été versées à l’agriculteur que le 23 novembre, soit six jours plus tard. La société Aéroports du Grand-Ouest n’est donc absolument pas fondée à se plaindre d’une voie de fait qui aurait eu lieu (si elle a eu lieu) avant qu’elle ne devienne propriétaire du terrain.

L’ordonnance sur requête du 11 décembre fait état d’une installation « au mépris de l’apposition de scellés. » S’il est incontestable que le bris de scellés constitue une voie de fait, (c’est même une infraction pénale), les scellés n’ont été posés que lors de l’opération de police du 23 novembre, bien après l’entrée dans les lieux, ce qui rend impossible l’imputation de ce fait pour obtenir une suppression de la trêve hivernale. Il faudrait par ailleurs savoir si les scellés empêchaient réellement l’accès aux habitations, l’article L480-2 du Code de l’Urbanisme n’évoquant que les matériaux approvisionnés ou le matériel de chantier.

Ajoutons qu’il existe de sérieux doute sur la légalité de l’opération ayant conduit à l’apposition des scellés : un doute sur la propriété réelle du terrain à l’heure de l’intervention, mais surtout une potentielle violation de domicile de la part des forces de l’ordre. (Art. 432-8 du code pénal.)

Si l’article L412-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécutions laisse libre appréciation au juge de supprimer ou de réduire les deux mois de délais légaux, l’article L412-6, qui concerne la trêve hivernale, s’impose à tous, y compris lorsque le local ne constitue pas l’habitation principal des occupants, ou qu’il est à usage professionnel. En droit, on voit donc mal comment une expulsion pourrait avoir lieu à Notre-Dame des Landes avant le 15 mars prochain.

Mais il semble que le droit soit entré là-bas dans une zone de turbulence importante.

Troisième nullité dans l’ordonnance sur requête ?

Bien, je l’ai déjà dit, je ne suis pas juriste, et je peux laisser échapper des choses qui paraitraient flagrantes à d’autres. Mais, en me penchant à nouveau sur l’ordonnance sur requête du 11 décembre 2012, je pense avoir décelé un nouveau petit problème.

Une ordonnance sur requête, comme son nom l’indique, ça fait suite à une requête. Et, en effet, la deuxième phrase de la décision, après le nom du juge qui la rend, c’est le visa de la requête :

Vu la requête de Monsieur le préfet de Loire-Atlantique parvenue au greffe (le) 11 décembre 2012,

Rien ne vous choque ? Descendons un peu plus bas :

Qu’il convient de relever que depuis l’ordonnance d’expropriation de la parcelle considérée, les indemnités ont été versées aux propriétaires expropriés (nom des personnes); qu’il s’ensuit que la société AGO, concessionnaire de l’État est pleine propriétaire des lieux;

Une rapide vérification montre que la société Aéroports du Grand Ouest est une société par action simplifiée, filiale de Vinci, et bénéficiaire d’une concession de service public, et que son président est M. Nicolas NOTEBAERT. Cette société possède donc une personnalité juridique propre.

Il existe un vieil adage de droit français « Nul ne plaide par procureur ». L’État, dont le préfet est le représentant, n’est pas propriétaire de la parcelle, et n’a donc aucun droit à agir en place de la société AGO.

Mais il est vrai qu’il y a parfois quelques porosités entre l’État et Vinci…

Notre-Dame des Landes, double nullité de l’ordonnance

Après avoir ordonné mardi la destruction des cabanes construites à Notre-Dame des Landes, le tribunal de grande Instance de Nantes s’est probablement rendu compte que la loi n’autorise pas de faire effondrer les murs sur les occupants des lieux. La préfecture devait être très désappointée, mais qu’à cela ne tienne, le bon président du tribunal a trouvé la solution : il suffit de prendre dans son bureau, et surtout sans prévenir les avocats présents pour la première affaire, une ordonnance sur requête pour pouvoir expulser, en plein hiver, les habitants de leur domicile.

Une ordonnance sur requête, quèsaco ?

Les articles 493 et suivant du code de procédure civile nous dit qu’elle est « une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. »

Elle n’est pas contradictoire, le juge ne statuant qu’au vu des pièces du requérant, ici la préfecture. Elle est donc réservée à un certain nombre de cas précis, par exemple pour éviter la destruction de preuve. C’est la procédure qu’a suivi François Fillon pour faire mettre sous scellée les données électorales à l’UMP. L’ordonnance sur requête est également possible dans le cas d’occupation sans droit ni titre où les occupants ne sont pas identifiables, ce qui est invoqué dans le cas présent. L’idée étant qu’on ne puisse pas échapper à l’expulsion simplement en refusant de donner son nom.

L’ordonnance sur requête est provisoire, car toute personne concernée par elle peut demander au juge qui l’a prise sa rétractation. Il y a alors un débat contradictoire entre les parties, à la suite duquel le juge confirme ou rétracte l’ordonnance. Dans les deux cas, un appel ultérieur est encore possible.

Enfin, l’ordonnance sur requête est exécutoire sur minute. Dès lors qu’elle est prise, les forces de l’ordre peuvent la faire exécuter sans même avoir à notifier quoique ce soit aux personnes concernées. C’est bien entendu là-dessus que compte la préfecture pour pouvoir expulser, dès six heures du matin, les cabanes de Notre-Dame des Landes.

Sauf que…

Sauf que dans leurs précipitations, ils ont oubliés un petit détail : l’article R.221-5 du code de l’organisation judiciaire. Ce n’est pas le tribunal de grande instance qui est compétent, mais le tribunal d’instance, seul. En effet, bien qu’on continue à parler de cabanes, il s’agit bien juridiquement d’immeubles bâtis (et la décision ordonnant leur destruction ne fait que le confirmer). Et il est difficilement contestable que l’occupation est faite aux fins d’habitation.

Une telle confusion entre tribunaux compétents suffit à faire annuler l’ordonnance, comme le montre la jurisprudence de la Cour d’appel de Paris. (RG°11/04776)

Par ailleurs, dans le cadre d’une occupation sans droit ni titre, l’ordonnance sur requête ne peut être employée qu’après avoir apporter la preuve que les occupants ne sont pas identifiables. Or, d’une part l’avocat de certains occupants indique qu’ils se sont officiellement déclarés à la préfecture le lundi 10, soit avant que la requête ne soit présentée au juge. Par ailleurs, il parait difficilement défendable de considérer les occupants comme non identifiable sans même avoir chargé un huissier d’établir cette identité.

Là encore, la jurisprudence constante fait annuler ou rétracter l’ordonnance dans ce cas :

Or, le respect du principe fondamental de la contradiction exige que les exceptions qui y sont faites ne le soient que lorsqu’a été acquise de façon certaine la certitude qu’il est impossible d’identifier les personnes concernées par l’action envisagée. TGI Bobigny, RG°11/01168

Avec deux causes flagrantes de nullité, on sourit en pensant à la phrase de la préfecture de Loire-Atlantique : « Ces décisions disent l’État de droit. » Elles disent surtout la panique de cet État.

Ordre et Justice

La prison des Baumettes, à Marseille, fait encore un peu parler d’elle. Le contrôleur général des lieux de privations de liberté a utilisé une procédure d’urgence pour demander au gouvernement de répondre à ses observations. Le contrôle a « fait apparaître, sans aucun doute, une violation grave des droits fondamentaux, notamment au regard de l’obligation incombant aux autorités publiques (…) de préserver les personnes détenues de tout traitement inhumain et dégradant. » La situation n’est pas nouvelle, comme le rappelle l’avocat Gilles Devers.

Mais, alors que de tels manquements aux règles de droit devraient faire la une des journaux, tout le monde (ou presque) s’en fout. Après tout, ce ne sont que des prisonniers, ils n’avaient qu’à être honnête comme tout le monde ! Alors que la majorité des détenus n’ont même pas dû être jugés…

On retrouve cette situation où l’État se met hors-la-loi, au nom de l’ordre et la sécurité, dans bien d’autres situations.

Je ne me considère pas comme totalement angélique, non. Sans parler d’une société de justice « idéale », car toute le monde à sa vision de la justice (et celle de l’IPJ, par exemple, n’est pas la même que la mienne), j’ai le sentiment que l’État de droit recule en France, non pas du fait des délinquants, mais du fait de l’État lui-même.

Après, le droit a toujours fait que les puissants étaient mieux protégés que les faibles. Mais au moins il était respecté.

Je n’ai pas d’exemples généraux, je ne suis pas juriste et ne suis pas la situation d’assez près. En revanche, je connais (très) bien la situation des squats à Paris, par expérience personnelle ou pour avoir fait des recherches sur les années précédentes. Le squat est de plus en plus souvent traité comme une infraction pénale qu’il n’est pas, les expulsions policières illégales se multiplient. Les policiers vont jusqu’à expliquer aux propriétaires qu’ils n’ont qu’à dire être passé la veille dans le bâtiment pour obtenir l’expulsion, quand bien même les squatteurs sont dans le bâtiment depuis plusieurs semaines.

Des expulsions en violation de la trêve hivernale se font de plus en plus souvent, alors que la trêve hivernale s’applique aux squatteurs, sauf décision motivée du juge. Sans qu’il y ait de relogement, en violation de la loi là encore. Pourtant, l’hébergement est un droit fondamental, reconnu comme tel par le Conseil d’État, et l’État justement se fait régulièrement condamné sur le sujet. Mais la part de sans-abris capable de rédiger un référé-liberté sur le trottoir est assez faible. Les CRS vont jusqu’à suivre les groupes délogés pour les empêcher de se réinstaller ailleurs, et les contraindre à rester à la rue.

Ce ne sont pas des bavures ponctuelles, commises par des fonctionnaires sous le coup du stress, mais c’est une politique qui est validée au plus haut niveau de l’État. (Des témoignages crédibles font état d’intervention du cabinet du premier ministre pour ordonner de telles expulsions).

En agissant ainsi contre le droit, l’État détruit par lui-même ce qui le fonde. Il ne faut pas s’étonner alors que d’aucuns cherchent à se faire justice eux-mêmes, comme à Marseille. Et ils auraient bien tort de s’en priver, de leurs points de vue, puisqu’on traite plus durement l’occupation sans droit ni titre que les violences et les violations de domiciles, quand ce sont des Roms les victimes.

Ces phénomènes ont certes toujours existé, mais ils étaient ne serait-ce qu’il y a dix ans, marginaux. Aujourd’hui, ils deviennent la norme. Ce qui pose d’autres problèmes, car les squats doublaient très efficacement les hébergements d’urgence, et la guerre aux squats se traduit par un engorgement encore plus important des structures officielles.

Alors que pas mal de squatteurs espéraient que l’arrivée de la gauche au pouvoir marquerait, non pas une tolérance des squats, mais un simple retour au respect de la loi, Manuel Vals a considérablement amplifié le mouvement. En toute illégalité.

Voilà ce qui m’inquiète et me fait dire qu’on passe d’une société de justice à une société d’ordre : la justice expulsait, mais permettait aux squatteurs de se défendre, en laissant le temps d’une occupation temporaire. Au nom d’un ordre moral, on expulse maintenant en violation flagrante de la loi. Sans que la justice ne réagisse énormément.

Pourtant, il existe un squat à Paris, dont la justice a ordonné l’expulsion il y a plus de 35 ans. A vrai dire, la prise du squat constituait vraisemblablement le délit de violation de domicile (au moins) compte tenu des circonstances particulières. L’État a même été condamné il y a 25 ans à payer des indemnités à l’affectataire légal, pour ne pas avoir expulsé. Pour ce bâtiment seul, la jurisprudence Couitéas existe, exécuter les décisions de justice n’est pas obligatoire.

Les catholiques intégristes squatteurs de Saint-Nicolas du Chardonnet vous saluent bien.

Pauvre Église !

Cécile Duflot ne s’attendait peut-être pas à une telle volée de bois vert en demandant à l’Église de mobiliser ses bâtiments vides pour loger des sans-abris. Attaque en règle contre l’Église, Cathophobie… Les réactions les plus virulentes, d’ailleurs, ne venant pas de l’Église mais plutôt de la droite. Il est vrai que pour l’UMP, toute polémique qui fasse parler d’autre chose est en ce moment bonne à prendre. La partie la plus militante et sociale de l’Église, s’est sentie un peu en porte-à-faux, face à des propos qu’elle ne partage pas vraiment.

On entend citer l’Évangile selon saint-Luc, la paille dans l’œil de ton voisin et la poutre dans le tien. Pourquoi ne pas mobiliser les bâtiments de l’État, avant de s’en prendre à l’Église ?

Benêt. À qui croyez-vous qu’appartiennent les centres d’hébergements d’urgence ? De la direction générale de l’aviation civile à la direction régionale du travail, l’État utilise son patrimoine, celui de la SNCF, celui des collectivités pour héberger. Il y a bien entendu encore à faire : je rêve de voir la direction générale de la gendarmerie, servir de centre d’hébergement. Mais elle fait 3 000 m², pas 10 000 ! A Paris, le patrimoine vacant de l’État est inférieur à celui de l’Église.

À droite, Nombreux sont ceux qui ont parlé de fantasme, à propos du patrimoine supposé de l’Église. Et de rappeler 1789 et 1905, quand l’État totalement spolié le clergé, deux fois de suite.

Pourtant, il y a visiblement de beaux restes. Alors certes, ce ne sont pas les archevêchés qui sont les plus riches. Et beaucoup au sein de l’Église agissent en faveur des plus démunis, ce qu’a toujours reconnu Cécile Duflot. Mais le tableau dressé par le Canard Enchaîné, à Paris, vaut quand même le coup d’œil. Il ya des congrégations qui sont (très) riches. Et peut-être même un peu égoïste.

Sur dix bâtiments cités par l’hebdomadaire, un seul, il est vrai, est totalement vide. Les Petites Sœurs des Pauvres cherchent en effet à vendre leurs 6 600 m² habitables du boulevard Murat. La mairie de Paris est très intéressée, pour y construire des logements, en partie sociaux, et une maison de retraite. D’autant qu’avec un coefficient d’occupation du sol de 0,65 on peut facilement densifier la parcelle sans pour autant détruire l’environnement urbain. Problème, les 35 millions d’euros proposés par la mairie ne satisfont pas l’appétit financier des petites sœurs des pauvres, On raconte aussi que Vincent Bolloré, un voisin, cherche à intervenir dans le dossier, mais ça n’a bien entendu rien à voir avec le rejet que suscite les 90 logements sociaux qui doivent être construit sur le site.

Les autres immeubles dont parle le Canard ne sont pas vides, non. Quatre religieuses par ici, une quinzaine de moines par là, au total sur la dizaine de bâtiment, un peu moins de 180 religieux se partagent plus de 45 000 m². Avec 270 m² par personne, on conçoit en effet qu’ils soient un peu à l’étroit.

Il est assez savoureux d’entendre le frère Jean-Pierre Longeat, président de la conférence des religieux et religieuses de France, expliquer qu’il n’existe pas de recensement du patrimoine des congrégations. Celui du Canard enchaîné ne prétend certainement pas être exhaustif, mais les dizaines de milliers de mètres carrés vacants dont il est question représentent déjà un minimum de 300 millions d’euros.

Alors certes, L’Église est à peu près aussi unie que le parti socialiste et l’UMP réunis. Certes, comme les politiques, l’Église adore multiplier les petites structures financières indépendantes les unes des autres. Je n’ai pas fait le tour de tous les bâtiments, mais il est fort probable que qu’aucun des bâtiments ici n’appartiennent à l’archevêché. Mais, à l’heure où l’Église se veut être une autorité morale pour l’ensemble des Français, catholiques ou non, il ne paraît pas idiot de penser que l’Église peut avoir une autorité morale sur ses congrégations.

Palestine à l’ONU : Et le grand perdant est… L’Union Européenne

La Palestine est donc devenu un état « non membre », observateur à l’Organisation des Nations Unies. Contrairement à ce que pouvaient laisser croire quelques campagnes médiatiques, la Palestine n’est pas devenue le 194ème membre de l’assemblée. Une initiative en ce sens avait bien été lancée par Mahmoud Abbas, mais, nécessitant l’accord du conseil de sécurité, elle était vouée à l’échec.

Etat observateur, tout comme l’est le Vatican et deux petites îles du pacifique. Tout comme l’était la Suisse jusqu’en 2002. Quelque chose me dit malgré tout que le passage du statut d’observateur à membre à part entière se fera davantage dans la douleur que pour la Confédération Helvétique.

Plus que le résultat du vote lui-même, ce qui est intéressant, c’est de regarder la petite évolution par rapport au vote sur l’entrée de la Palestine à l’Unesco. En tenant compte des abstentions, les votes en faveurs de la Palestine sont passés de 62 à 73% des votants. Sans en tenir compte, de 88 à 93%.

Comme pour prouver à tous qu’il ne cherche pas la paix, Israël a annoncé dès le résultat du vote la construction de trois milles nouveaux logements dans les territoires occupés, forçant même les États-Unis à déclarer que cette politique israélienne était un obstacle à la paix.

De fait, qu’il s’agisse de territoire ou de politique, Israël vise à la destruction de toute structure palestinienne, en étant toujours sur le fil du rasoir pour éviter de trop grosses réactions des pays occidentaux. Pourtant, Israël ne fera pas la paix seule.

Quelque soit la solution finale envisagée, à un ou deux États, la reconnaissance de la Palestine par la communauté internationale est une bonne chose pour la paix. Une fois celle-ci acquise, même si l’hypothèse aujourd’hui paraît lointaine, rien n’empêcherait les deux États de fusionner. Des précédents existent.

Paradoxalement, un des grands perdants dans ce vote, c’est l’Union Européenne. Alors qu’il existe une « Haute-Représentante » pour les affaires étrangères, elle se trouve complètement bloquée par les divisions des États de l’Union. Avec les mêmes évolutions en faveur de la Palestine que dans le reste du monde, les 27 ont réussi l’exploit, à l’ONU comme à l’UNESCO, de voter Non, Oui, et de s’abstenir en même temps. On notera malgré tout une (faible) majorité absolue en faveur de la reconnaissance officielle, mais quand on cherche à parler d’une seule voix, le résultat est cruel.

On peut espérer, en tout cas, que ce vote majoritaire incite la commission européenne à revenir sur sa décision et enfin distinguer clairement les produits qui viennent d’Israël de ceux qui viennent des colonies.