Cécile Duflot ne s’attendait peut-être pas à une telle volée de bois vert en demandant à l’Église de mobiliser ses bâtiments vides pour loger des sans-abris. Attaque en règle contre l’Église, Cathophobie… Les réactions les plus virulentes, d’ailleurs, ne venant pas de l’Église mais plutôt de la droite. Il est vrai que pour l’UMP, toute polémique qui fasse parler d’autre chose est en ce moment bonne à prendre. La partie la plus militante et sociale de l’Église, s’est sentie un peu en porte-à-faux, face à des propos qu’elle ne partage pas vraiment.
On entend citer l’Évangile selon saint-Luc, la paille dans l’œil de ton voisin et la poutre dans le tien. Pourquoi ne pas mobiliser les bâtiments de l’État, avant de s’en prendre à l’Église ?
Benêt. À qui croyez-vous qu’appartiennent les centres d’hébergements d’urgence ? De la direction générale de l’aviation civile à la direction régionale du travail, l’État utilise son patrimoine, celui de la SNCF, celui des collectivités pour héberger. Il y a bien entendu encore à faire : je rêve de voir la direction générale de la gendarmerie, servir de centre d’hébergement. Mais elle fait 3 000 m², pas 10 000 ! A Paris, le patrimoine vacant de l’État est inférieur à celui de l’Église.
À droite, Nombreux sont ceux qui ont parlé de fantasme, à propos du patrimoine supposé de l’Église. Et de rappeler 1789 et 1905, quand l’État totalement spolié le clergé, deux fois de suite.
Pourtant, il y a visiblement de beaux restes. Alors certes, ce ne sont pas les archevêchés qui sont les plus riches. Et beaucoup au sein de l’Église agissent en faveur des plus démunis, ce qu’a toujours reconnu Cécile Duflot. Mais le tableau dressé par le Canard Enchaîné, à Paris, vaut quand même le coup d’œil. Il ya des congrégations qui sont (très) riches. Et peut-être même un peu égoïste.
Sur dix bâtiments cités par l’hebdomadaire, un seul, il est vrai, est totalement vide. Les Petites Sœurs des Pauvres cherchent en effet à vendre leurs 6 600 m² habitables du boulevard Murat. La mairie de Paris est très intéressée, pour y construire des logements, en partie sociaux, et une maison de retraite. D’autant qu’avec un coefficient d’occupation du sol de 0,65 on peut facilement densifier la parcelle sans pour autant détruire l’environnement urbain. Problème, les 35 millions d’euros proposés par la mairie ne satisfont pas l’appétit financier des petites sœurs des pauvres, On raconte aussi que Vincent Bolloré, un voisin, cherche à intervenir dans le dossier, mais ça n’a bien entendu rien à voir avec le rejet que suscite les 90 logements sociaux qui doivent être construit sur le site.
Les autres immeubles dont parle le Canard ne sont pas vides, non. Quatre religieuses par ici, une quinzaine de moines par là, au total sur la dizaine de bâtiment, un peu moins de 180 religieux se partagent plus de 45 000 m². Avec 270 m² par personne, on conçoit en effet qu’ils soient un peu à l’étroit.
Il est assez savoureux d’entendre le frère Jean-Pierre Longeat, président de la conférence des religieux et religieuses de France, expliquer qu’il n’existe pas de recensement du patrimoine des congrégations. Celui du Canard enchaîné ne prétend certainement pas être exhaustif, mais les dizaines de milliers de mètres carrés vacants dont il est question représentent déjà un minimum de 300 millions d’euros.
Alors certes, L’Église est à peu près aussi unie que le parti socialiste et l’UMP réunis. Certes, comme les politiques, l’Église adore multiplier les petites structures financières indépendantes les unes des autres. Je n’ai pas fait le tour de tous les bâtiments, mais il est fort probable que qu’aucun des bâtiments ici n’appartiennent à l’archevêché. Mais, à l’heure où l’Église se veut être une autorité morale pour l’ensemble des Français, catholiques ou non, il ne paraît pas idiot de penser que l’Église peut avoir une autorité morale sur ses congrégations.