Archives par étiquette : Occupation

Mais qui est propriétaire du 2, rue de Valenciennes ?

DSC05973dd-300x225

La façade de l’immeuble

Il y a quelques jours, j’ai fait une petite note sur l’histoire du 2, rue de Valenciennes et j’ai évoqué son actuel propriétaire. Aujourd’hui, pour continuer mon petit cycle, je vais essayer de répondre à cette question que vous vous posez tous, mais qui est la SNC 2 rue de Valenciennes ?

Réponse courte : une boite aux lettres.
Réponse longue : une boite aux lettres.

 

Cette Société en Nom Collectif, qui ne comporte pas de personnel, est en effet domiciliée par Sofradom au 102, avenue des Champs-Élysées à Paris, une adresse qui héberge un peu plus d’un millier d’entreprises. Plutôt que d’utiliser les Champs, j’aurais bien proposé la domiciliation par la même société au 155 de la rue du Faubourg saint-Denis, à moins de cinquante mètres de la propriété. C’est deux fois moins cher, mais il paraît que c’est aussi beaucoup moins classe…

Blague à part, une domiciliation de ce genre est assez fréquente et ne porte pas à conséquence, ça donne juste envie de creuser un peu plus.

La fiche d’identité de la SNC indique deux co-gérants, MM. Juan Oliver Mateu et Lasa Ignacio Donato. Ce dernier se présente comme membre « d’un petit groupe familial », formé avec ses frères et sœur et son « vieil oncle ». Même si l’aspect familial semble exact, une simple enquête journalistique aurait montré une situation bien différente…
Le registre du tribunal de commerce indique en effet que la SNC 2 rue de Valenciennes est détenue par trois sociétés distinctes, qui se sont réunies pour l’Assemblée Générale le 26 septembre 2011 :

  • Dolsaprom 2000 SLU, qui détient 1% des parts. Cette société espagnole est représentée par M. Ignacio Lasa Georgas1.
  • Guelnor SL, qui acquière à cette occasion 1% des parts, société espagnole représentée par M. Miguel Oliver Vicens2.
  • Pezulu Holding BV, détenant les 98% restants, société hollandaise représentée par ANT Management (Netherlands) BV, elle-même représentée par M. Pieter Bosse.

Cette dernière société est particulièrement intéressante : Pour l’avocat de M. Lasa, elle est simplement domiciliée à Amsterdam par ANT Management. Pourtant, le compte-rendu de l’AG est formel, non seulement ANT représente la SNC, mais en plus elle envoie un salarié, M. Pieter Bosse, qui préside l’Assemblée en tant que représentant l’actionnaire majoritaire. On est très loin d’une simple domiciliation comme Sofradom qui se contente de réexpédier le courrier.

D’autant que M. Pieter Bosse n’est pas n’importe qui au sein de ANT. Son profil Linkedin montre qu’il était « Managing Director » de ANT Trust and Corporate Services NV, maison-mère de ANT Management, de 2007 à 2013. Il était même, en 2010 et 2011, « Interim Managing Director » de ANT Caribean.
Les documents de la chambre du commerce des Pays-Bas montrent également que ANT est administrateur (« Bestuurder ») de Pezulu, avec le titre de « directeur ».

ANT trust, qui fait aujourd’hui partie du groupe luxembourgeois SGG, est une société financière présente dans le monde entier et notamment dans des paradis fiscaux. Les services rendus par cet ensemble de société couvrent la domiciliation et la gestion, bien sur, mais aussi l’optimisation fiscale.

Notons que rien ne prouve que les propriétaires de l’immeuble utilisent les services de société outre-mer (ce qui ne serait de toute façon pas illégal en soi) : la chambre du commerce néerlandaise n’enregistrant pas les actionnaires s’ils ne sont pas uniques, on ne peut connaître directement les actionnaires de Pezulu. De fait, les Pays-Bas sont déjà considérés comme un paradis fiscal européen.

Car, je vous le dis tout net, j’ai beaucoup de mal à croire M. Lasa Georgas lorsqu’il dit que ce montage financier ne génère aucun avantage fiscal. Je ne m’avancerai pas sur ce sujet, car je suis loin de maîtriser l’art de la finance, mais la technique consistant à faire remonter les bénéfices vers un pays à la fiscalité faible est a priori un grand classique. Est-elle utilisée dans ce cas ? Les huit derniers comptes sociaux sont disponibles ici, je suis preneur de toute explication, notamment sur les capacités à se désendetter lorsque le résultat net est négatif.

——————————————————————————————–

  1. Il y a des variantes dans l’ordre des noms, mais a priori il s’agit de la même personne.
  2. Plusieurs indices tendent à montrer que Miguel Oliver Vicens fait partie de la famille de Juan Oliver Mateu.

Poitiers : la suite

Il fallait s’en douter : la cristallisation des critiques sur l’occupation de la mosquée de Poitiers, au détriment d’une critique plus générale du discours, permet à Marine Le Pen de se payer, ou du moins de tenter de le faire, quelques associations. Dénonçant « l’hystérie » des politiques, elle rappelle quelques occupations d’églises précédentes : église saint-Bernard en 1996, Basilique saint-Denis en 2002. Curieusement, elle ne rappelle pas la toujours actuelle occupation de l’église saint-Nicolas du Chardonnet, plus vieux squat de Paris depuis que la fraternité saint-Pie X en a chassé les occupants légitimes par une action violente, un matin de février 1977.

Pourtant, les occupations auxquelles fait référence Marine Le Pen n’ont rien à voir avec les faits de samedi. D’abord, et dans les deux cas, elles ont été faites en accord avec les curés respectifs des paroisses, le Père Coindé à saint-Bernard, et le Père Berger à saint-Denis. Car n’en déplaise à Marine Le Pen, bon nombre de catholiques savent encore ce que veut dire le mot charité. Ensuite, et surtout, ces actions profitaient certes de la médiatisation liée aux lieux de cultes, mais ne se dressaient pas contre eux. Au contraire, elles leurs rendaient hommage en invoquant ce vieux droit d’asile.

Et l’on retombe toujours sur cette haine raciale. Car on peut être d’accord sur un point avec Mme Le Pen, en elle-même, l’occupation de la mosquée n’est que vétille. C’est le discours tenu lors, et par, cette occupation, qui doit être dénoncé. D’ailleurs, la justice qui vient de mettre en examen quatre des participants ne s’y trompe pas : plus aucune charge liée uniquement à la présence de ces militants dans la mosquée ne pèse contre eux. Il ne reste que : l’organisation d’une manifestation publique n’ayant pas fait l’objet d’une déclaration préalable dans les conditions fixées par la loi, la provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, par des discours proférés dans un lieu ou réunion publics et par des placards ou affiches exposées au regard du public, et les vol et dégradations de biens commis en réunion et portant sur des tapis de prière appartenant à la mosquée de Poitiers. A ma grande surprise, l’organisation d’une manifestation publique est conservée comme incrimination. Il faudra suivre l’affaire, mais je ne vois pas en quoi le fait de se réunir sur un terrain privé, fut-ce sans l’accord du propriétaire ou de l’affectataire, peut constituer une manifestation relevant du Code de la sécurité intérieure et non de la loi du 30 juin 1881.

Au passage, on notera que les tapis de prières abimés risquent de coûter très cher à ces gens, puisque la dégradation de biens commise en réunion est passible de cinq années de prison, tandis que la provocation publique à la discrimination (etc…) ne peut être sanctionné que d’un an.

L’évolution de cette procédure rend toujours plus incompréhensible l’interpellation de quatre personnes uniquement. Car si seule l’organisation d’une manifestation publique peut être poursuivie, et non la participation, le discours haineux a bien été tenu par tout le groupe, et les faits commis en réunion rendent pénalement responsables l’ensemble des participants. Je sais bien qu’ils ont dû être copieusement filmés par la DCRI et que l’identité de chacun d’eux ne doit pas être un mystère pour la police, mais l’absence même d’une simple vérification d’identité ressemble fort à une marque de sympathie.