Il y a quelques jours, j’ai fait une petite note sur l’histoire du 2, rue de Valenciennes et j’ai évoqué son actuel propriétaire. Aujourd’hui, pour continuer mon petit cycle, je vais essayer de répondre à cette question que vous vous posez tous, mais qui est la SNC 2 rue de Valenciennes ?
Réponse courte : une boite aux lettres.
Réponse longue : une boite aux lettres.
Cette Société en Nom Collectif, qui ne comporte pas de personnel, est en effet domiciliée par Sofradom au 102, avenue des Champs-Élysées à Paris, une adresse qui héberge un peu plus d’un millier d’entreprises. Plutôt que d’utiliser les Champs, j’aurais bien proposé la domiciliation par la même société au 155 de la rue du Faubourg saint-Denis, à moins de cinquante mètres de la propriété. C’est deux fois moins cher, mais il paraît que c’est aussi beaucoup moins classe…
Blague à part, une domiciliation de ce genre est assez fréquente et ne porte pas à conséquence, ça donne juste envie de creuser un peu plus.
La fiche d’identité de la SNC indique deux co-gérants, MM. Juan Oliver Mateu et Lasa Ignacio Donato. Ce dernier se présente comme membre « d’un petit groupe familial », formé avec ses frères et sœur et son « vieil oncle ». Même si l’aspect familial semble exact, une simple enquête journalistique aurait montré une situation bien différente…
Le registre du tribunal de commerce indique en effet que la SNC 2 rue de Valenciennes est détenue par trois sociétés distinctes, qui se sont réunies pour l’Assemblée Générale le 26 septembre 2011 :
- Dolsaprom 2000 SLU, qui détient 1% des parts. Cette société espagnole est représentée par M. Ignacio Lasa Georgas1.
- Guelnor SL, qui acquière à cette occasion 1% des parts, société espagnole représentée par M. Miguel Oliver Vicens2.
- Pezulu Holding BV, détenant les 98% restants, société hollandaise représentée par ANT Management (Netherlands) BV, elle-même représentée par M. Pieter Bosse.
Cette dernière société est particulièrement intéressante : Pour l’avocat de M. Lasa, elle est simplement domiciliée à Amsterdam par ANT Management. Pourtant, le compte-rendu de l’AG est formel, non seulement ANT représente la SNC, mais en plus elle envoie un salarié, M. Pieter Bosse, qui préside l’Assemblée en tant que représentant l’actionnaire majoritaire. On est très loin d’une simple domiciliation comme Sofradom qui se contente de réexpédier le courrier.
D’autant que M. Pieter Bosse n’est pas n’importe qui au sein de ANT. Son profil Linkedin montre qu’il était « Managing Director » de ANT Trust and Corporate Services NV, maison-mère de ANT Management, de 2007 à 2013. Il était même, en 2010 et 2011, « Interim Managing Director » de ANT Caribean.
Les documents de la chambre du commerce des Pays-Bas montrent également que ANT est administrateur (« Bestuurder ») de Pezulu, avec le titre de « directeur ».
ANT trust, qui fait aujourd’hui partie du groupe luxembourgeois SGG, est une société financière présente dans le monde entier et notamment dans des paradis fiscaux. Les services rendus par cet ensemble de société couvrent la domiciliation et la gestion, bien sur, mais aussi l’optimisation fiscale.
Notons que rien ne prouve que les propriétaires de l’immeuble utilisent les services de société outre-mer (ce qui ne serait de toute façon pas illégal en soi) : la chambre du commerce néerlandaise n’enregistrant pas les actionnaires s’ils ne sont pas uniques, on ne peut connaître directement les actionnaires de Pezulu. De fait, les Pays-Bas sont déjà considérés comme un paradis fiscal européen.
Car, je vous le dis tout net, j’ai beaucoup de mal à croire M. Lasa Georgas lorsqu’il dit que ce montage financier ne génère aucun avantage fiscal. Je ne m’avancerai pas sur ce sujet, car je suis loin de maîtriser l’art de la finance, mais la technique consistant à faire remonter les bénéfices vers un pays à la fiscalité faible est a priori un grand classique. Est-elle utilisée dans ce cas ? Les huit derniers comptes sociaux sont disponibles ici, je suis preneur de toute explication, notamment sur les capacités à se désendetter lorsque le résultat net est négatif.
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- Il y a des variantes dans l’ordre des noms, mais a priori il s’agit de la même personne.
- Plusieurs indices tendent à montrer que Miguel Oliver Vicens fait partie de la famille de Juan Oliver Mateu.